Ma parole est fragile.
Elle se braque fréquemment, les mots s'entassent au fond de ma gorge et rien ne peut les déloger.
Ils se pressent, m'oppressent, attaquent l'Autre par leur absence. Il en faut parfois peu, pour que je ne me taise.
Certains croient à une bouderie, alors que je ne peux simplement plus les faire sortir, je ne maîtrise plus rien, ma langue se fait "morte-née" au milieu du discours de l'Autre.
Je m'isole. Je me recroqueville dans ma coquille.
Dans ma tête je réponds, je susurre, je murmure, je chuchote... je crie, j'hurle parfois.
Je me débats, je jette les mots contre des parois invisibles qui me les renvoient illico au fond de la gorge, sans explication.
Tout cela ressemble à de la vexation : Petite fille gâtée qui boude et refuse le verbe "pour faire son intéressante". Petite fille qui joue de sa timidité comme d'une arme pour faire plier les gens.
La timidité n'a rien à voir là-dedans, je ne suis pas timide.
Je me tais parce que mes méninges agissent tel un organe de sécurité que l'on nomme fusible, en électricité. Son but étant de protéger mon "circuit électrique" soumis à la surintensité.
Je me tais parce que j'ai l'impression que mes mots ne passeront pas, qu'ils attiseront le malaise, si malaise il y a.
Le langage est compliqué et il devient rapidement complexe.
Les mots des autres heurtent, remuent, nouent, assomment, transpercent. Les miens se refusent, s'envolent avant même d'être prononcés, se coulent dans l'encre, se dérobent, s'esquivent. S'évanouissent.
Ils me remplissent en même temps qu'ils vident l'Autre.
Ils m'attachent en même temps qu'ils me libèrent.
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4 commentaires:
muette oui mais muette à ma façon… dans des situations bien particulières. Je me comprends... Sourire.
Ce billet m’a permis de constater que je ne réagissais peut-être pas si anormalement et que je n’étais pas non plus une bête curieuse avec mon syndrome du coupe-circuit. Apparemment nous sommes nombreuses. Etonnée je suis mais soulagée
Cela me réconforte moi aussi, il n'y a pas que moi qui pratique le silence.
Tout d'abord le silence m'a été imposé lors de mon " A.V.C. accident vasculaire cérébral", puis encore un long moment après j'ai eu un peu le même parcours que mon petit bout: réapprendre la marche et supprimer ma difficulté d'élocution.
Il subsiste une certaine fragilité et une grande émotivité...
Et il faut encore que je me fasse violence pour afronter certaines situations nouvelles c'est trop souvent un éternel défi.
Nous vivons dans un monde où la verbalisation est la règle et le silence l’exception. Nous vivons au milieu d’un torrent de mots ; si bien que la valeur du silence nous échappe le plus souvent et pourtant, il est difficile de
séparer le silence et la parole, le silence et l'intention de signification. Sans un espace entre les mots, les mots eux-mêmes seraient-ils compréhensibles ?
Nous ne savons plus au fond ce que représente la Parole, ni ce que signifie le silence. Pourtant, nous sentons aussi que nous avons besoin du silence.
La Parole et le silence sont étroitement liés. N’est-ce pas parce qu’à sa manière le silence signifie à travers les mots autant que les mots signifient eux-mêmes ?
Ou bien, faut-il admettre que le silence est seulement une impuissance ou une impasse dont le langage nous libère.
Le silence ne dit-il rien ?
A suivre seulement les mots, on finit par ne plus entendre clairement ce qu'ils disent.
Il n'y a qu'une seule façon de répondre aux imbéciles et aux ignobles, c'est de garder le silence Hazrat Ali
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