Jura agricole et rural
Publié le: 05 juillet 2007
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De la diversité des personnalités, est née la richesse du débat autour de cette table ronde… |
Conscients des dangers de l’alcool, les vignerons jurassiens veulent mettre en place une filière « citoyenne et conquérante ». Pour eux, prêcher la modération n’a rien de paradoxal. Mais c’est aussi toute une éducation au plaisir et à la consommation du vin qui doit être initiée… Ils l’ont dit lors d’un débat passionnant, organisé dans le cadre de l’assemblée générale du CIVJ…
En organisant un grand débat sur le thème « Vins du Jura, toute la dynamique d’une attitude citoyenne », les viticulteurs jurassiens ont fait preuve d’initiative, mais surtout de lucidité et de pertinence. Les habituelles querelles intestines ont été laissées de côté pour faire place à un débat et une réflexion sur le paradoxe qu’est la promotion de ces produits du terroir que sont les vins dans un contexte de baisse et d’évolution de la consommation d’alcool.
Pour cela, une table ronde avait été préparée par Marie-Christine Tarby, la présidente du Comité interprofessionnel des vins du Jura. Celle-ci avait invité des intervenants qui, chacun dans leur domaine, ont apporté une pierre à l’édifice : le préfet Christian Rouyer, le docteur Christian Sorgue, alcoologue au centre hospitalier de Lons-le-Saunier, Patrick Aigrain, statisticien à Viniflhor, Philippe Legrand, communicant de l’agence Dartagnan, Jean-Paul Jeunet, le restaurateur arboisien… l’animation de la soirée étant confiée à Christian Vuillaume.
Alcool et souffrances…
Après quelques questions anodines sur les usages consuméristes en vigueur dans les services de l’État, le préfet s’est dit « heureux de voir l’assemblée affronter une réalité que personne ne peut ignorer ».
Pour le représentant de l’État, la lutte est menée avec trois outils : la répression, la prévention et la communication… Il a salué une initiative comme celle du partenariat de la Percée du vin jaune où les contrôles effectués montrent que, même sur une manifestation de cette ampleur, une consommation peut être modérée… Pour lui, le « Jurabag » est une initiative à laquelle il applaudit des deux mains…
Le docteur Sorgue a parlé de la relation « ambiguë » qui a toujours existé entre l’homme et l’alcool. Il a expliqué les différentes fonctions de l’alcool (hédonique, lubrification sociale, « permettant de faire face à… », anesthésiante), et a apporté les témoignages de malades de l’alcool qui avaient tous préparé une petite phrase à l’attention des viticulteurs jurassiens. Des gens de tous âges, de toutes conditions, des jeunes qui ont besoin d’un effet massif, des gens qui partagent une même souffrance. Aucun pourtant ne reproche aux viticulteurs de fabriquer du vin. Tous endossent la responsabilité d’une consommation excessive qui trouve son origine dans la volonté d’oublier des problèmes de toutes sortes. « Qui a ses soucis a aussi ses liqueurs ! » disait Freud.
Au-delà des cas pathologies graves, le médecin reçoit également la visite « très courageuse » de gens soucieux de faire évaluer leur propre consommation. Juste pour trouver la limite entre plaisir et addiction…
L’éducation au plaisir
Jean-Paul Jeunet a parlé d’éducation. Il considère que les explorations sensorielles sont indispensables pour permettre aux enfants de découvrir et de comprendre.
Pour lui, c’est une éducation au plaisir, une obligation culturelle qui donne au vin ses lettres de noblesse… À la question des bienfaits du vin pour la santé, les deux autres intervenants ont été clairs : « Personne n’a intérêt à communiquer sur ce sujet très débattu et controversé. En terme de communication, il est beaucoup plus intéressant de prêcher la modération pour établir une affinité avec la société… »
60% de la consommation mondiale de vin étant centralisée sur seulement sept pays, Patrick Aigrain a même suggéré aux viticulteurs de développer leur prospection vers des pays où un marché potentiel existe : « Il vaut mieux avoir beaucoup de consommateurs qui boivent modérément que moins de consommateurs qui boivent beaucoup ! »
Plusieurs interventions ont émané de la salle. Si un viticulteur a souhaité « apprendre ce qu’est la maladie alcoolique pour mieux en parler à ses clients », une de ses collègues a cité l’exemple de ses deux enfants qui, dès la classe maternelle, ont reçu les prémices d’une éducation sensorielle en allant dans les vignes découvrir ce qu’était le raisin… « Pourquoi ne pas développer encore plus cette démarche, ne serait-ce que dans le cadre de la semaine du goût ? » Beaucoup de réactions également sur la promotion des prémix et autres boissons sucrées alcoolisées, très prisées par les jeunes en quête de sensations fortes… Autant de réactions confortées par les éclairages rapides qui ont été donnés sur l’évolution de la consommation d’alcool.
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